Aujourd'hui, de nombreux maîtres d'ouvrage choisissent de réaliser eux-mêmes (une partie) des travaux. Les projets d'autoconstruction doivent être traités avec un soin particulier par les architectes en termes de conception, de conseil et de supervision. Ainsi, les architectes sont contraints d'assurer un suivi particulièrement attentif des travaux, en raison du risque accru de défauts de construction. Dans cet article, nous faisons un zoom sur le rôle de l'architecte dans les projets d'autoconstruction et sur les assurances possibles que l’autoconstructeur peut souscrire.
Qu'est-ce que l'autoconstruction?
Globalement, retenons qu’il s’agit le plus souvent du fait d’un particulier non-professionnel de vouloir participer activement à la conception et à l’exécution des travaux de construction de sa propre habitation.
Si les motivations sont diverses (recherche d’économies, participation active au processus de construction, non-reconnaissance de la plus-value apportées par les professionnels de la construction) et plus ou moins légitimes, elles doivent attirer votre attention sur la nécessité d’un encadrement particulièrement attentif de la construction du fait des risques accru de malfaçons et désordres.
La conception et le contrôle de l’exécution des travaux de construction par un autoconstructeur restent sous la responsabilité de l’architecte.
En tant que professionnel de la construction, ne perdez donc pas de vue que de tels projets ne sont pas à la portée de tout un chacun. Ils sont à prendre avec une attention particulière tant au niveau de la conception, que du conseil et du contrôle de l’exécution.
Le rôle de l'architecte au début, à l'exécution et à la fin d'un projet d'autoconstruction
1. Le monopole de la conception et du contrôle de l'exécution des travaux
En tant que professionnel de la construction, ne vous lancez pas dans l’accompagnement d’un tel projet sans assurer vos arrières et accessoirement ceux de votre client.
L’article 4 de la loi du 20 février 1939 confère à l’architecte le monopole de la conception et du contrôle de l’exécution des travaux. L’architecte ne peut s’exonérer d’une partie de sa mission du fait de l’absence d’entreprise.
En tant qu’architecte, votre mission relève à minima d’une mission complète sur le gros-œuvre fermé (sauf stipulations contractuelles) et vous ne pourrez en aucun cas vous exonérer de votre monopole quant au contrôle de l’exécution de ces travaux : que l’autoconstructeur soit sans capacités entrepreneuriales, ayant les capacités entrepreneuriales ou qu’il ait fait appel à une entreprise qualifiée pour certains postes.
2. Conseils sur le recours éventuel à des bureaux d'études
Durant la phase de conception, il vous appartient également de conseiller de la nécessité de vous adjoindre et de coordonner les bureaux d’étude nécessaire à la bonne réalisation de la stabilité et, le cas échéant, des techniques spéciales et autres.
L’ingénieur en stabilité a intérêt, comme l’architecte, à se protéger pour limiter sa responsabilité professionnelle. A cette fin, il devra définir avec précision les limites de son intervention.
3. Vérification de la capacité entrepreneuriale et de l'attestation d’assurance responsabilité décennale en cas d’habitation
Si le maître de l’ouvrage autoconstructeur est un professionnel de la construction avec capacité entrepreneuriale dans le domaine de la construction (suivant les statuts de la société et/ou accès à la profession) et avec une volonté de faire des opérations immobilières ou souhaite l’intervention d’un professionnel pour la réalisation de postes bien précis, comme les terrassements et fondations, assurez-vous de vérifier, qu’il dispose des capacités entrepreneuriales (pour les entrepreneurs bruxellois et wallons) et qu’il fournisse son attestation d’assurance responsabilité décennale indispensable, au moment attendu.
L’omission de ces démarches pourrait avoir, pour vous, des conséquences dramatiques en cas de sinistre.
4. Responsabilité du respect des normes
L’architecte et l’autoconstructeur ont la responsabilité de s’assurer du respect des normes des ouvrages sous leur contrôle.
Il convient de dissocier les missions d’architecture se limitant au gros œuvre fermé de celles intégrant les techniques et parachèvements et de garder à l’esprit que les installations électriques et de gaz doivent être agréées en fin de chantier, l’installation de gestion d’eau doit être approuvée avant l’ouverture des compteurs, les prescriptions énergétiques du bâtiment doivent être conformes à la déclaration, les puissances énergétiques doivent être chiffrées en fonction des besoins, les conduits et décharges doivent être dimensionnées adéquatement, ...
A cette fin, les prestations de l’architectes seront correctement définies et valorisées dans un contrat type qui précisera notamment les limites des obligations des parties et les garanties sur les travaux (vices véniels et vices graves avec responsabilité sur l’imputabilité en cas de sinistre).
5. Désignation du coordinateur sécurité santé
Pour un chantier de moins de 500 m² avec minimum deux entreprises intervenantes, il incombe à l’architecte de désigner le coordinateur sécurité santé.
Pour un chantier de 500 m² ou plus avec minimum deux entreprises intervenantes, il incombe à l’autoconstructeur, quelle que soit sa qualité, de désigner le coordinateur sécurité santé.
Si l’autoconstructeur réalise lui-même l’entièreté de la construction, un CSS n’est pas nécessaire conformément à la législation.
6. Préparation du Dossier de Post-Intervention (DPI) ou Dossier d’Intervention Ultérieure (DIU)
En fin de chantier, l’architecte ou le coordinateur sécurité santé (suivant prescriptions du contrat) devra rassembler toutes les données techniques concernant l’immeuble construit par l’auto-construction.
7. La révocation de l’une des parties
En cas de fin de mission par révocation de l’une des parties, et pour autant que le gros-œuvre fermé soit en jeux, la procédure reste identique que pour les autres missions avec permis d’urbanisme. Il y a lieu d’en informer l’Ordre des Architectes et au service d’urbanisme de la commune émettrice du permis.
L'assurance de l'architecte dans l'autoconstruction
Le fait d’intervenir dans une mission pour un autoconstructeur n’engendre aucune particularité au niveau de votre police d’assurance. Il y a lieu de déclarer la valeur estimée des travaux ainsi que la valeur réalisée par année en fonction de l’évolution du chantier.
L'assurance de l'autoconstructeur
Il est dans l'intérêt de l'autoconstructeur de souscrire lui-même une assurance :
1. L’assurance Tous Risques Chantier
L’Assurance Tous Risques Chantier couvre, suivant les polices, toute une série de risques. Cette couverture intervient par exemple pour le vol de matériaux de construction sur le chantier, les dommages aux voisins etc...
Si la compagnie d’assurance refuse de souscrire le maitre de l’ouvrage en auto-construction, c’est parce que le risque leur paraît trop élevé. Cela exige d’ailleurs une attention toute particulière de la part de l’architecte lors du contrôle des travaux.
2. L’assurance habitation
L’assurance habitation couvrira l’immeuble à l’exception des dégâts des eaux et autres sinistres en liens avec les travaux dans l’habitation.
3. L'assurance responsabilité décennale « habitation »
L’assurance responsabilité décennale et sa souscription font l’objet de nuances. Elle est obligatoire dans certains cas de figures exposés ci-après et doit être souscrire obligatoirement par les entrepreneurs du gros-œuvre fermé, l’architecte et le cas échéant l’ingénieur en stabilité. La preuve de couverture doit être exigée par l’architecte avant l’entame de travaux.
a) Si l’autoconstructeur est une personne physique et que celle-ci précise que ce projet concerne une construction qu’elle souhaite occuper personnellement :
b) Si l’autoconstructeur est une personne physique et/ou morale avec capacité entrepreneuriale dans le domaine de la construction (suivant les statuts de la société et/ou accès à la profession) et avec une volonté de faire des opérations immobilières.
c) Si l’autoconstructeur est une personne morale sans la capacité entrepreneuriale ou une personne physique sans connaissance de la construction et qu’il renseigne sa volonté de faire des opérations immobilières.
Un promoteur-constructeur sans accès à la profession et/ou un maître de l’ouvrage sans maîtrise avéré des compétences techniques de la construction ne pourra se faire couvrir par une compagnie d’assurance en garantie décennale.
d) Ne perdons pas de vue que :
Conclusions
En tant que professionnel de la construction, ne perdez donc pas de vue que de tels projets ne sont pas à la portée de tout un chacun. Ils sont à prendre avec une attention particulière tant au niveau de la conception, que du conseil et du contrôle de l’exécution.
Dans le cadre d’une mission réalisée pour un autoconstructeur, l’architecte / l’ingénieur gardera à l’esprit qu’il n’est pas l’enseignant du maître de l’ouvrage devant lui apprendre en temps réel comment bien réaliser la chose.
Si d’aventure le maître de l’ouvrage s’avère ne pas être capable, il vous appartiendra de lui conseiller de chercher l’information nécessaire à la bonne exécution chez les personnes plus à même d’y consacrer le temps, ou … de s’abstenir de la mission.
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